Judith Gautier
Un univers musical
La ville de Dinard peut s’enorgueillir de posséder la maison et la tombe de Judith Gautier, fille aînée du grand Théophile Gautier. Cependant Judith n’est pas seulement la fille de l’illustre écrivain, ni la pionnière (à 22 ans !) dans la traduction de poètes chinois, elle est aussi et peut-être surtout, celle qui va défendre la cause de Wagner, alors peu connu en France. En 1868, alors qu’elle n’a que 23 ans, elle a l’audace de faire publier quelques articles dithyrambiques sur le compositeur, qu’elle lui fait envoyer. Il s’ensuit une importante correspondance et très vite, dès l’année suivante, la visite à Richard Wagner, alors installé à Lucerne, qu’elle racontera en détail dans ses mémoires. Judith devient aussitôt la marraine de Siegfried Wagner, ce qui témoigne de la proximité et de la reconnaissance que Wagner éprouve pour elle. Propagandiste zélée du grand compositeur, elle apportera une contribution décisive à la wagnéromania française de la fin du XIXe siècle.
Le festival Jeux de vagues souhaite à la fois rendre hommage à Judith Gautier, illustre dinardaise, et célébrer l’accueil inouï de Wagner en France. Lors de l’inauguration du « temple » de Bayreuth, nombre de musiciens font le voyage (Saint-Saëns, d’Indy, Widor entre autres), mais aussi Judith Gautier elle-même, accompagnée de son mari Catulle Mendès, wagnérien passionné lui aussi. On ne peut nier qu’en France, plus d’une génération a considéré Wagner comme un modèle, à suivre ou à combattre. Les représentants les plus éminents de la musique française de l’époque, Chausson, Delibes, Duparc, Dukas, Massenet, Messager, Debussy, Chabrier, Fauré, ont tous effectué leur « pèlerinage » à Bayreuth. Certains en ont subi une influence évidente, d’autres ont préféré cultiver leur propre langage, mais il ne fait aucun doute que la wagnéromania française a constitué un moment décisif de la vie musicale parisienne entre 1860 et 1914.
Le festival se propose également, à travers le centenaire de la mort de Fauré, de faire entendre quelques-uns de ses chefs-d’œuvre, écrits sous une influence avérée ou plus secrète du maître de Bayreuth.
Les écrivains français contemporains ont également été très frappés par le génie et l’ambition d’œuvre d’art total portée par Wagner. Au premier rang de ceux-ci, Baudelaire qui a écrit plusieurs articles et a échangé une correspondance avec lui. Nerval, Verlaine, Villiers de l’Isle-Adam, Huysmans, Mallarmé, Valéry, Claudel, Zola, ont tous avoué leur dette envers l’œuvre wagnérienne.
La programmation fera la part belle aux magnifiques transcriptions de Liszt inspirées par Wagner, mais aussi à Fauré qui se rapproche de son langage chromatique dans certaines compositions de jeunesse, ainsi que de nombreux autres compositeurs inspirés plus ou moins directement de son univers poétique et musical.
Emmanuel Mercier, directeur artistique